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Le ressenti dans la pratique

Un des aphorismes du Lao Zi nous le dit assez clairement : « Celui qui parle ne sent pas, celui qui sent ne parle pas ». Également traduit par « celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas ».

Les deux traductions nous indiquent la même impossibilité d’être dans la sensation ou le ressenti quand la partie analytique du cerveau, en l’occurrence le fait de parler, est en action.

Dans la vision chinoise de la nature humaine, le ressenti est assujetti à la détente du corps et de l’esprit. Nous allons donc aborder dans un premier temps l’accès à la détente corporelle qui est directement liée à la détente de l’esprit. Nous aborderons ensuite le placement de l’esprit dans les ressentis pendant la pratique.

Pour accéder à la détente corporelle, il est nécessaire de mettre en œuvre deux processus.

– La recherche d’un placement du corps en harmonie avec la position debout de l’être humain, c’est à dire en considérant la structure verticale de l’humain. Ce qui implique une prise en compte du positionnement de l’ensemble du squelette et en particulier le positionnement du bassin et de la colonne. Mais également la tonicité particulière des différents groupes musculaires, la fluidité des fascias, l’élasticité des ligaments et des tendons …

– Mais, pour accéder à une détente profonde, cette compréhension générale, ce positionnement théorique de la corporalité humaine doit également être en accord, en harmonie, en agrément, avec la structure personnelle de chacun, afin de ne pas aller contre la façon dont chaque personne exprime le fait d’être vivant et en mouvement, sous peine de recréer des tensions.

Cette qualité de détente va grandement favoriser la détente du diaphragme et la tranquillité de la respiration elle même en lien avec la paix de l’esprit et l’apparition des ressentis dans la pratique. Si le corps n’est pas « dans sa place », des tensions apparaissent et les ressentis sont beaucoup moins forts, voir parfois, seulement induits par la pensée.

Cependant, nous avons une image corporelle de nous même bien inscrite dans la conscience, voir dans la partie non consciente de l’esprit. Pour que le placement corporel se modifie, il va donc être nécessaire de passer d’abord par la prise de conscience, la compréhension et l’analyse de ses placements personnels et de ses façons de produire un geste. C’est à dire par une conscientisation et un ajustement depuis l’extérieur. Dans ce moment là il est possible, voir judicieux, d’utiliser un miroir ou de se filmer. Cela facilite les prises de conscience.

Mais, pour que cet ajustement corporel perdure et s’installe pleinement dans le temps, vient ensuite, ou plus souvent conjointement, la nécessité d’avoir la sensation de son placement depuis l’intérieur, afin que ce nouvel ajustement puisse s’inscrire dans le schéma corporel à la place de la sensation précédente.

C’est le passage à la proprioception. C’est à dire la capacité que l’on a de percevoir de l’intérieur la position des différentes parties de notre corps, sans le recours à la vision. Ce sens dans la pensée chinoise est lié au sens du toucher, au Cœur, au sang et à la modalité feu. Il peut être vécu de façon spontanée ou inconsciente, c’est le cas de la plupart des mouvements que nous faisons dans notre vie quotidienne. Dans la pratique du Qi Gong nous préférerons sa forme consciente qui nous permet d’avoir une sensation claire et précise de notre position corporelle dans l’espace.

Cependant, une fois que le corps est « dans sa place » et que la structure est fluide, la problématique va être de ne pas « penser » les ressentis qui apparaissent dans la pratique, mais de rester dans les sensations corporelles sans passer à l’analyse. Autrement dit rester dans la proprioception, le toucher intérieur.

Or très souvent, même si on n’induit pas un ressenti par la pensée, une fois qu’il apparaît, au lieu de rester simplement dans ce ressenti, on le pense, on le nomme, du coup on le juge, on l’analyse, on le justifie, … On le passe au filtre de l’analyse du mental et ce faisant, même si on croit rester dans le domaine du ressenti, en réalité on quitte ce domaine pour entrer dans un autre domaine de l’esprit : le domaine de la pensée et de son expression.

Dominique Banizette et Zef Bourdet
Chabottonnes le 1er Juin 2024

Relation entre YI, le propos et ZHI, la puissance réalisatrice.

 

par Dominique Banizette

 

La vie est mouvement. Nous pouvons l’observer à toutes les échelles de la vie. De la plus lointaine galaxie à la plus petite particule de lumière.

La vie est transformation. C’est aussi ce que nous pouvons observer à chaque instant. Rien ne perdure, tout change tout le temps, parfois pour notre plus grand bonheur, d’autres fois pour notre plus grand désarroi.

La vie, celle des humains en tous cas, car je ne m’aventurerai pas ici à projeter mon propos au delà du champ de l’humanité, la vie donc que nous développons, est aussi desseins, propos, intentionnalité, toutes expressions issues de la pensée ou de l’esprit, nommées Yi en chinois.

En accord avec, en rejet contre ou en questionnement sur … l’ensemble de nos actes sont précédés et sous tendus par les réflexions et les choix qui engendrent nos intentions, nos intérêts, nos rêves … pensées particulières qui façonnent notre vie.

C’est de cette catégorie de pensées, très constructives quand elles sont en lien avec Zhi, la puissance réalisatrice des Reins, que je me propose de vous entretenir un court instant dans ce petit texte.

La pensée qui précède donc, celle qui impulse l’action, mais aussi celle qui grâce à Zhi, soutient le propos dans le temps et va l’amener à réalisation. Ce type de pensée appelée Yi-Zhi dans la pensée chinoise est aussi fondamental dans la pratique que dans la vie.

Commençons par nous intéresser à Zhi, la puissance réalisatrice, la détermination.

Selon le dictionnaire Ricci : Zhi est la volonté profonde, la détermination, l’aspiration, la résolution, la capacité réalisatrice, le fait d’être tendu vers un but.

Pour le Su Wen                      C’est le propos qui se développe en intention

Pour la MTC               Zhi est hébergé aux Reins. C’est le Ben Shen (racines de Shen, l’esprit) des Reins. C’est la puissance spirituelle propre à la fonction Reins, liée à la modalité Eau.

Selon le dictionnaire occidental*,

La volonté est une disposition mentale, une faculté à se déterminer librement à agir ou à s’abstenir, de façon conforme à une intention.
La détermination, attitude de celui qui agit sans hésitation et dans la durée.
L’aspiration, action de porter ses souhaits vers une réalisation.
La résolution décision volontaire fermement arrêtée avec intention de s’y tenir.

Zhi nous engage donc dans le mouvement même de la réalisation de nos motivations, de nos projets. Il permet la constance, la persévérance, la détermination dans la poursuite d’un objectif. Il est puissance réalisatrice. Il est intentionnel et engage le temps.

Cette détermination ne doit cependant pas être confondue avec le vouloir ou la velléité.

Selon le dictionnaire occidental*, la velléité, est un désir, une envie faible, une tendance mal affirmée, un souhait qui n’aboutit pas à une décision. C’est un mouvement spontané de l’organisme, une disposition temporaire physiologique ou psychique suscité par une idée, l’imaginaire, la mémoire, les besoins ….

On voit donc que le vouloir ou velléité n’est pas lié à l’intention et ne s’appuie pas sur la puissance réalisatrice des Reins. Il n’a pas d’engagement dans le temps, mais a seulement des vues à court terme et cherche la satisfaction immédiate : désir, envie, souhait …

Zhi, la puissance réalisatrice des Reins, est plus condensée, concentré, déterminée que la velléité, qui est plus légère, plus passagère.

On peut noter cependant que cette puissance seule ne suffit pas, car elle ne contient pas d’intention 

en elle-même ! Zhi, Ben Shen des Reins est une énergie constante, disponible, qui donne la possibilité d’agir et de mener à bien des propositions. Mais c’est une énergie non différenciée, inactive par elle-même. Il lui faut l’apport d’une direction pour pouvoir s’activer. C’est là l’apport de Yi, le propos.

Zhi, la puissance des Reins, est la base réalisatrice sur laquelle va pouvoir s’appuyer Yi, le propos pour mener à bien son objectif.

 

L’orientation du mouvement, le domaine de Yi.

Yi, l’intention, le propos est directionnel. C’est le petit mouvement de l’esprit qui va imprimer un sens, une direction à un objectif.

 

Selon le dictionnaire Ricci :
Yi est une intention, un dessein, un propos, une idée, une pensée, un intérêt, un sentiment personnel.

En philosophie chinoise     C’est le plus léger des mouvements de l’esprit dans l’éveil d’un intérêt ou dans la cessation de cet intérêt. C’est une préconception, l’ébauche d’une pensée. C’est la première image qui se présente à l’esprit.

C’est aussi le sentiment personnel, l’intention, que celui qui parle, pense et agit, met dans ce qu’il exprime.

En MTC                             Yi est hébergé à la Rate, c’est le Ben Shen de la Rate. La puissance spirituelle propre à la fonction Rate, lié à la modalité Terre

En alchimie Taoïste           C’est l’idée directrice.

Selon le dictionnaire occidental*,

Une intention : c’est l’action de la volonté par laquelle on se propose de diriger l’activité vers l’objectif à réaliser.

Un dessein : idée que l’on forme d’exécuter quelque chose, intention, projet.
Un propos : ce qu’on se fixe pour but.
Une idée : représentation élaborée par la pensée. Manière de concevoir une action ou de se représenter une réalité.
Une pensée : c’est une idée, une représentation, une image, une réflexion produite dans la conscience par la faculté de réfléchir.
Un intérêt : état d’esprit qui prend part à ce qu’il trouve digne d’attention. Attention que l’on porte à quelque chose.

Rencontre entre la Terre et l’Eau, Yi Zhi

 

Comme on le voit, Yi est un mouvement de l’esprit, on peut même dire un mouvement du Cœur-Esprit (voir le paragraphe suivant), porteur d’énergie, d’intention. C’est une pensée dynamique à l’origine de la conscience de l’acte, de la construction de l’acte et l’accompagnant dans sa réalisation.

Yi est une proposition de mise en mouvement. Et, bien que de nature précise, il est du domaine de la légèreté, de la vibration, de la matière subtile de l’esprit.

Pour que cette proposition perdure et que l’intention de départ, le « léger mouvement de l’esprit », arrive à se concrétiser, la présence de Zhi, la puissance énergétique et réalisatrice des Reins va être nécessaire. C’est l’association de Yi et de Zhi qui porte le propos à réalisation. C’est cette qualité d’intention qui accompagne l’action que l’on appelle Yi Zhi et qui s’avère tellement précieuse et réalisatrice tant dans la vie que dans la pratique.

Yi Zhi est l’intention précise, stable, permanente mais claire et légère, sans aucune lourdeur, qui se met en place, lors de la rencontre féconde entre la Terre et l’Eau. Entre l’énergie de la Rate mobile, dynamique, harmonisante, légère, créatrice et celle des Reins stable, solide, ferme, constante. C’est la puissance de rassemblement, d’harmonisation et de diffusion des idées, des pensées, de la mémoire.

Nécessité de la paix du Cœur, Xin et de l’esprit, Shen

 

Cependant, pour que Yi et Yi Zhi puissent s’exprimer, il va également falloir compter avec l’acceptation paisible et confiante du Cœur. Car Yi, le Ben Shen de la Rate est une des 5 racines de Shen. Et Shen, l’esprit, principe organisateur a sa résidence au Cœur.

Yi ne pourra donc trouver sa libre expression, si le Cœur, résidence de Shen, n’est pas apaisé.

Or le Cœur ne peut être paisible et serein, si les émotions ne sont pas régulées et si Xin, la pensée du Cœur liée aux émotions, n’est pas tranquille.

Une vibration, une intention, un léger mouvement de l’esprit s’offre au Cœur.

Celui ci peut l’accepter ou la refuser.

S’il refuse, la vibration disparaît.
S’il la reconnaît et l’accepte, une pensée, une image, une représentation, un propos, Yi, se forme en lien avec la Rate.
Que Zhi la volonté liée aux Reins intervienne et le propos sera fermement établi. Il perdure et devient une intention stable : Yi Zhi

Quand Yi Zhi, une intention stable, persiste en accord avec le Cœur et les Reins, elle se développe avec la puissance et la persévérance ferme mais douce de la plante quand elle s’élève de la Terre vers le Ciel.

 

Dans la pratique en mouvement : préexistence de Yi, concomitance de Yi Zhi.

 

Reste à savoir pour nous pratiquants comment et à quel moment Yi et Yi Zhi vont s’exprimer dans la pratique.

Pour un pratiquant débutant, Yi, l’intention, le propos, est une idée assez vague. L’attention, l’intention, le propos, la puissance réalisatrice, … ne sont pas des positionnements de l’esprit volontiers développés dans nos sociétés. Nous sommes plutôt dans la performance, la réussite, la concentration … Et mise à part l’injonction souvent répétée aux enfants « fait attention il va t’arriver ceci ou cela ! », nous ne les éveillons que très peu à cette belle capacité que nous avons en nous de développer une attention sereine et ouverte à tout ce qui est, une présence globale à notre environnement, tant intérieur qu’extérieur et une conscience fine des évènements petits ou grands qui se produisent à chaque instants. Comme par exemple, la caresse d’un léger souffle de vent, le chant d’un oiseau qui nous parvient, une sensation qui se manifeste, un nuage qui passe, une pensée qui se lève et s’en va, une image ou une intuition qui nous arrive, … ou encore une personne qui arrive et les sensations que ça nous procure, l’écoute de l’autre, l’intérêt qu’on lui porte ou l’attention qu’on porte à ses propos, …

 

Alors, malgré l’émerveillement que les élèves débutants manifestent devant la beauté et l’harmonie de la pratique, l’enthousiasme qu’ils ressentent de pouvoir produire eux-mêmes des gestes si beaux et l’étonnement qu’ils ont devant la rapidité d’apparition des sensations et des ressentis, ils sont très vite rattrapés par leurs habitudes de fonctionnement. Très vite ils se retrouvent tout entier centrés sur eux même et « concentrés » sur la réalisation du geste « bien fait ».

Pour ma part, après trente années d’enseignement, je constate que c’est très bien ainsi. Car j’ai pu observer que cette attention-concentrée des élèves débutants, évite à leur esprit de vagabonder. Cette attention là qui est aussi du domaine de Shen, l’esprit, commence à forger en eux la capacité à être complètement présent à l’instant, complètement présents à ce qu’ils sont en train de faire. C’est-à-dire un geste, que l’on répète et que l’on répète encore … Ainsi, Tranquillement et sans y mettre trop d’attention, l’esprit et le cœur s’apaisent.

 

A force de répétition, un jour le geste est connu, tellement connu qu’il se fait presque tout seul, facilement, légèrement et si détendu que l’esprit se trouve disponible pour d’autres choses. L’esprit du pratiquant va alors relâcher « sa concentration », relâcher l’idée du « bien faire », s’ouvrir et prendre conscience de tous les évènements, toutes les sensations, intérieures et extérieures qui ont lieu conjointement au geste pendant la pratique. Tout ce qui vit en nous et en dehors de nous pendant que le geste se déroule, se déploie et revient, à chaque fois différent comme si chaque fois était la première fois.

A l’intérieur, la respiration s’opère aisément, le diaphragme monte et descend librement, l’air rentre et sort sans contraintes. Les ligaments et les tendons ont retrouvés leur élasticité, les muscles et les articulations se sont relâchés, le corps bouge facilement et harmonieusement. Le sang et les liquides circulent de façon fluide, le Qi également, les organes sont bien irrigués et fonctionnent au mieux de leurs possibilités.

A l’extérieur toute la vie est là, présente, à la fois tout près de nous et très loin, et on se sent en relation intime avec cette vie là. Les cinq sens, ouverts mais paisibles, nous renseignent sur l’environnement proche sans que cela ne vienne perturber la pratique. Au contraire ces informations viennent très simplement enrichir les sensations. Et étonnamment la présence, la conscience de l’environnement lointain est là également. On ne se sent plus séparé mais au contraire inscrit dans notre espace de vie que l’on peut percevoir comme très vaste.

Les souffles et les esprits circulent librement à l’intérieur de nous et entre l’intérieur et l’extérieur. L’attention, la présence, Shen s’est ouverte. La pratique a commencé son œuvre.

 

Nous avons vu que la capacité d’attention-concentrée que les élèves ont développée pour l’apprentissage de la gestuelle et du placement de la structure, a permis d’apaiser le cœur et l’esprit et d’amener les premières sensations. Maintenant que la concentration se relâche et que l’attention s’ouvre, à l’intérieur comme à l’extérieur de nous, qu’elle se déploie, vaste et sereine, elle va pouvoir jouer son rôle de point d’appui à l’expression de Yi.

Comme précisé au paragraphe « Nécessité de la paix du cœur et de l’esprit », cette capacité de présence, d’attention est une des expressions de Shen. Yi, la pensée qui induit le geste et l’intention, et Yi Zhi, la pensée qui accompagne le geste et l’énergie, ont besoin de cette qualité de présence de l’esprit pour pouvoir s’exprimer. Le pratiquant devra d’ailleurs veiller à l’entretenir, tant dans la pratique que dans la vie, car les émotions qui sont partie intégrante de la vie ont la capacité à déstabiliser facilement le cœur.

 

Ainsi, Yi prenant appui sur cette qualité d’attention et bénéficiant de la détente du corps et de la tranquillité du cœur et de l’esprit qui se sont établis durant les années de pratique, va pouvoir exprimer sereinement une intention et Yi Zhi l’accompagner vers sa réalisation.

La pratique va alors s’enrichir de toutes les possibilités créatrices que nous offre l’esprit. La pensée chinoise ne nous dit-elle pas « là ou va la pensée va l’énergie ». En émettant, par exemple, l’intention de laisser sortir des toxines par les Yong Quan ou par le souffle, nous allons avoir une action réelle sur la mise en mouvement du Qi à l’intérieur de nous. Et l’action sera tout aussi réelle si le propos est de conduire l’énergie à un endroit particulier du corps ou le long d’un méridien spécifique ou encore si on propose à notre diaphragme un placement particulier de la respiration ou à notre esprit de se poser sur un point précis du corps ou sur un organe particulier ou au niveau d’un des Dan Tian …

Mais Yi et Yi Zhi peuvent également nous permettre de contacter et de recueillir les énergies de la nature, du Ciel, de la Terre, des arbres, de l’univers et de les incorporer, afin de renforcer le Qi interne.

 

La pensée est légère mais puissante.

 

Quelques années plus tard pour le pratiquant avancé, dans l’espace vide des transformations, juste avant que le mouvement ne se déploie ou revienne, le Dan Tian inférieur, la respiration et Yi, se manifestent. Dans cet espace-temps infinitésimal de la transformation, alors que le geste et la respiration sont encore suspendus, Yi, « léger mouvement de l’esprit », trace le geste, il donne sens et direction au geste en relation avec le centre-Reins et la respiration. Le geste n’est pas encore fait mais il est déjà existant puisque déjà tracé. On dit à ce propos que «Yi est premier ».

Puis, quand l’énergie se manifeste au Dan Tian inférieur, le mouvement comme libéré par le centre-Reins, peut se déployer ou revenir librement. Il suit l’impulsion, la trace, la proposition induite par Yi, tout en conservant bien sur la capacité de s’ajuster à chaque instant.

Yi Zhi chemine alors calmement à l’intérieur du geste qu’il a lui-même induit et « il conduit le Qi », délicatement, sans tensions, sans vouloir, avec la légèreté, la clarté et la précision du rêve. Comme un regard, une trace de lumière, une invitation qui permet à quelque chose qui n’était pas localisé auparavant de se manifester.

 

 

Dominique Banizette

Joannas le 22 Octobre 2021

 

 

* petit Robert et petit Larousse.

Les 6 sons thérapeuthiques

1er lotus aout 2015-012Liu Zi Jue,   « les 6 expressions subtiles »

 

Ce que l’on traduit souvent en français par « 6 sons thérapeutiques » peut également se traduire par «  les 6 expressions subtiles », dans un mot à mot qui nous rapproche d’avantage des images générées par les idéogrammes.
Cette série particulière de Qi Gong s’appuie sur l’émission de sons en rapport avec les 5 modalités.
La vie est vibrations et nous faisons partie intégrante de cette vie. Nous sommes donc nous même vibrations. Il semble que lorsqu’un son, c’est-à-dire une vibration, est émis et qu’il est accordé à la vibration originelle d’une de nos fonction organique, cela permet à l’organe de se recaler sur sa vibration propre. Ce son peut être émis de l’intérieur ou de l’extérieur.
Dans la série des 6 expressions subtiles nous émettons nous même les sons, un pour chaque organe. L’effet thérapeutique est puissant et souvent immédiat, comme si cette vibration émise réveillait une mémoire à l’intérieur du corps permettant à l’organe de retrouver sa musique personnelle.

le jeu des 5 animaux

qi gong l'école du qi singe“Wu Qing Xi”

Qi Gong de santé, très populaire en Chine, basé sur l’imitation d’animaux : le tigre, l’ours, le cerf, le singe et la grue.

Le jeu des 5 animaux est une technique de longévité qui imite les mouvements de cinq animaux sauvages.
Il préconise l’utilisation de la pensée pour augmenter l’effet des exercices et améliorer la circulation du Qi. Il régule le corps, la respiration et l’esprit.

C’est un des Qi Gong les plus anciens. Il fut composé par un médecin Hua Tuo, il y a environ 1800 ans, sous la dynastie des Hans postérieurs ( 25 ap JC – 220 ap JC).

Hua Tuo (142-219) fut un médecin de renom, dont la célébrité s’est prolongée jusqu’à aujourd’hui. Chirurgien, gynécologue, pédiatre, il utilisait tout autant l’acupuncture que la pharmacopée ou les moxas.  Il passe pour être le créateur du premier anesthésique. Hélas ! Il n’a laissé aucun écrit.

Nous disposons cependant de quelques descriptions de la pratique « du jeu des 5 animaux» de Hua Tuo. Ces textes, dont les plus anciens sont presque contemporains de Hua Tuo, décrivent
“le jeu des 5 animaux” comme une pratique de santé et nous donne une biographie de Hua Tuo, mais sans illustrations.
Jusqu’à récemment les plus anciens dessins du jeu des 5 animaux dont nous disposions dataient de la Dynastie des Ming (1368 – 1644). Ils sont reproduits dans un livre : « la moelle du phénix rouge » et représentent d’anciens immortels pratiquant cette série pour mieux vivre.
Mais en 1973, des dessins représentant la pratique du jeu des 5 animaux ont été trouvés dans la tombe de Ma Wang Dui, à Chang Sha, dans la province du Hunan. Cette tombe date de 190 à 168 avant JC. Ces dessins sont donc antérieurs à Hua Tuo.

Hua Tuo a en effet composé cette série, comme sont composées toutes les séries de Qi gong, en s’inspirant de documents et de pratiques déjà existantes :

  • L’art du Tu Na, la respiration
  • Le Dao Yin, art du mouvement
  • Les pratiques taoïstes déjà anciennes. Zhuang Zi, maître taoïste bien antérieur à Hua Tuo (IVème avant JC) parle déjà de la pratique des animaux en lien avec la respiration pour conserver ou améliorer sa santé.
  • Hua Tuo a également observé les animaux sauvages avec beaucoup de précision. Il était arrivé à la conclusion que les animaux pratiquent parfois certains exercices pour renforcer leur constitution ou réguler certains désordres internes.
  • Sans doute s’est-il également inspiré de la méthode de combat des 5 animaux (Wu Qin Quan) ou de danses rituelles chamaniques.
  • Enfin, il y a associé sa connaissance précise de la médecine traditionnelle chinoise, en particulier la théorie des fonctions des organes internes, des méridiens et de la circulation du Qi, des liquides et du sang.

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Depuis sa création, le jeu des 5 animaux a donné naissance à de nombreux styles allant de formes externes très dynamiques, gymniques, voire martiales, à des formes internes qui s’appuient principalement sur le Souffle, l’Energie. Les formes qui insistent sur la santé appartiennent à la lignée des Qi Gong Yang Sheng : nourrir la vie.
Elles permettent à la fois la régulation de la forme corporelle, de la respiration, de la pensée émotionnelle, mais aussi du Souffle-énergie, le Qi
et du Yi, l’Intention.

Selon Hua Tuo, la pratique du jeu des 5 animaux est une pratique très complète.

  • Elle améliore la santé du corps et de l’esprit,
  • prévient et traite les maladies,
  • améliore également les maladies chroniques et traite le fond de la personne,
  • augmente la longévité, la confiance en soi et la vitalité de l’esprit,
  • renforce la constitution et la force physique,
  • renforce les articulations, les muscles, les tendons et les os,
  • assouplit les ligaments et les muscles,
  • amène la vigueur dans les membres,
  • améliore les fonctions des organes, la digestion, les inflammations de l’estomac et du foie,
  • améliore le système respiratoire.
  • Elle agit également et principalement sur l’hypertension et la fonction cardio-vasculaire,
  • augmente la quantité de Qi, de sang et de liquides en circulation,
  • améliore la circulation du Qi, des liquides et du sang, en particulier aux extrémités,
  • renforce et mobilise l’énergie le long des canaux principaux et collatéraux,
    dissout les stagnations,
  • traite la faiblesse nerveuse, améliore l’attitude mentale et augmente les perceptions.

le Yang Sheng Ba Shi par Evelyne Castellino, chorégraphe

Ci-dessous un texte de commentaire d’Evelyne Castellino sur la pratique du Yang Sheng Ba Shi  en réponse à une question de Dominique Banizette sur les intérêts de ce Qi Gong pour un public de danseurs et de sportifs. Evelyne Castellino est evelyne castellino compagnie acryliquechorégraphe et metteur en scène à Genève et fait pratiquer régulièrement cette série à ses comédiens et danseurs.

 

« Alors comment expliquer cela.
Le public de comédiens (c’est celui avec qui je travaille le plus) a besoin d’un entraînement régulier, mais c’est un public qui a tendance à se dire, sautons l’échauffement ou l’entraînement car il vaut mieux avoir plus de temps pour la répétition.
Lorsqu’on donne l’habitude (disons peut-être lorsqu’on impose un  entraînement) la plupart des comédiens s’en trouvent mieux. Mieux dans leur corps et aussi mieux dans la concentration.
Ils aiment le Yang Sheng Ba Shi, car c’est une série assez physique, donc ils ont l’impression de s’assouplir, d’entretenir leur corps, mais après quelques semaines, le besoin de commencer l’entraînement par le Qi Gong se fait sentir. Parfois on commence et certains parlent et racontent un truc. Je laisse faire, car je sais que petit à petit le silence va arriver, le calme et la concentration.
Cette série travaille autant sur le haut du corps que sur le bas. Elle donne de la force dans les jambes. Et puis il y a les derniers mouvements (Gemou et le nuage) Et ces deux derniers mouvements les centrent et les apaisent.
Le comédien est un être souvent angoissé et la paix qu’ils ressentent à la fin de la série est je pense une des raisons pour laquelle le Yang Sheng Ba Shi leur plaît. Plusieurs me disent qu’ils continuent à pratiquer, une fois qu’on s’est quitté, et que ça les remplit d’énergie.
Je joins au Qi Gong un entraînement Pilates qui leur renforce la musculature interne et étire la musculature externe.
Donc souvent ils maigrissent, le comédien est un être qui a besoin de plaire et de se plaire, donc….
Et puis le Yang Sheng Ba Shi a 8 mouvements, donc c’est aussi plus simple à apprendre pendant le laps de temps des répétitions (6 semaines, cela permet l’apprentissage et l’approfondissement.

Donc ceci pour les comédiens qui n’ont pas un entraînement régulier physique.

Pour les danseurs et les sportifs, c’est une autre histoire, car eux s’entraînent régulièrement, donc je pense qu’ils aiment le Yang Sheng Ba Shi car ce sont des mouvements dont ils n’ont pas l’habitude. Dans un premier temps, ils sont curieux de voir ce que cela va leur faire.
Puis, ils sont étonnés que des mouvements doux et assez simples agissent, cela efface des tensions que les danseurs et les sportifs ont presque tous sans exception.
Dans un troisième temps, comme pour les comédiens, la série les apaise, et leur faire prendre de la distance avec la performance qu’ils doivent accomplir. Cela peut même les aider à aborder « autrement » leur art ou leur sport, à mettre leur attention ailleurs, là où c’était des parties du corps oubliées.
Et cela reste physique, cela demande aussi un effort et le danseur comme le sportif est un dingue de l’effort. »

Evelyne Castellino le 2 mars 2014

Vous pouvez aussi lire l’article de Dominique Banizette sur « la genèse du Yang Sheng Ba Shi »

le Xi Sui Jing

qi gong le xui sui jingLe Xi Sui Jing et le nourrissement des moelles :

Le Xi Sui Jing a été créé par Boddidarma, moine indien venu en Chine au 5ème siècle après JC. Il s’est installé au monastère de Shaolin dans les monts Song Shan. Cette pratique utilise la visualisation sur la lumière. Elle permet d’éliminer les maladies en renforçant le système immunitaire. Elle améliore le fonctionnement hormonal, renforce la circulation de l’énergie dans les méridiens principaux et extraordinaires. Elle tonifie l’énergie des reins et renforce Jing, fortifie les os, purifie et nettoie les moelles. Elle permet également d’éliminer les 7 émotions conflictuelles, de nourrir l’esprit et d’affiner la qualité spirituelle par le Yang du Ciel grâce à la conscience : Shen

Ce Qi Gong se pratique en présence de Shen Gong, le travail de l’esprit. Visualiser et ressentir, visualiser sans attachement, être dans l’attention ouverte, ressentir sans s’impliquer. On absorbe la lumière et on accumule le Qi, puis on laisse cette lumière remplir les moelles. Le travail sur les moelles fait partie du travail d’alchimie interne des taoïstes. Les os deviennent forts, le corps s’allège, l’énergie vitale devient pure, fraîche et claire, les toxines sont éliminées, la circulation de l’énergie et du sang est améliorée. Shen s’éclaire.

Le désert m’a bluffée.

J’y suis allée. Non pas parce que c’est à la mode, mais parce que l’on me l’a proposé. Alors j’ai dit oui. Je trouvais dommage de refuser.

Je n’en attendais rien.

Si ce n’est de passer un bon moment avec mes élèves, de faire un bon séminaire. Après tout, ce devait être agréable d’y faire du Qi Gong.

 

Je savais, ou plutôt, je croyais savoir, que dans le désert, il n’y a rien : le ciel, le sable, les dunes.

J’avais tort de savoir.

 

En réalité, dans le désert, il y a bien plus que le sable, il y a bien plus que le ciel, il y a tout. Tout est là, contenu dans cette absence, qui est en réalité une présence. Tout est là, en dehors et en dedans de vous.

Vous êtes simplement posé sur vos deux pieds. Autour de vous ….. presque rien : le ciel, le sable, les dunes. Presque rien, mais ….. l’immensité de la vie.

Et cette présence immense fait que notre être n’arrive plus à rester contenu dans les limites de sa peau. Dans ce « petit Moi » posé là, au milieu de cet immense rien. Alors lui aussi il grandit, il s’expanse, il prend sa dimension réelle, il devient tout.

 

Après ….. les bras s’ouvrent, c’est ce que le corps a de plus grand. La tête se renverse comme pour témoigner au ciel et un rire sort, un rire immense, gigantesque, un rire sans limites qui se répand dans un espace sans limites et qui seul peut exprimer ce bonheur-là.

C’est un bonheur inouï, tellement fort, tellement grand et à la fois tellement serein de ressentir cette dimension de la vie.

L’être humain n’est pas ce qu’il croit être, il n’est pas contenu à l’intérieur de sa petite peau. Son espace ne mesure pas quelques centimètres cubes.

L’être humain est vaste comme l’univers, il contient tout. Et à cette échelle-là, « le petit Moi » se réduit jusqu’à se dissoudre dans l’infinitude.

 

Alors il ne reste plus qu’une immense sensation d’ouverture que l’on peut nommer Amour, mais parce que l’on a pas d’autres mots.

Seulement, cet amour là ne vient pas du cœur, il ne vient pas du corps, il est partout, dans chaque atome du soleil, dans chaque grain de sable du désert, dans chaque molécule de l’air, dans chaque cellule de notre corps, dans chaque élément de l’espace infini qui nous compose et qui compose la vie. Il est le vide qui les relie et qui les fait danser. Il est la Vie elle-même.

 

Je ne riais plus. Je sentais des larmes couler sur mes joues. C’était des larmes de bonheur et de gratitude.

Devant moi, le soleil disparaissait derrière une dune. J’étais le soleil, j’étais la dune, j’étais le désert ….. et j’étais là, assise sur le sable, remplie de reconnaissance pour cette Vie qui à chaque instant se répand partout et nous nourrit sans que nous n’en sachions jamais rien.

 

Texte écrit au retour du désert en Janvier 2000.
Dominique Banizette.

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