Vide-plénitude dans la pratique en mouvement


C’est une des bases du Qi Gong que chacun connaît mais ne maîtrise pas forcément. Dans un langage imagé, Dominique Banizette directrice de l’Ecole du Qi nous invite à une révision où chacun se sentira intimement concerné.

article paru dans le bulletin fédéral de la FEQGAE en janvier 2012

 

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Le vide et le plein, on pourrait dire le yin et le yang, je préfère d’ailleurs dire le « yin yang ». Le « et » de notre langue induisant une idée de côte à côte comme une chemise « et » un chapeau, alors que le « yin yang » est plutôt comme nos 2 pieds ou comme nos 2 luminaires (le soleil et la lune), l’un et l’autre toujours présents, cohabitent, coexistent, en permanence même si notre œil ou notre esprit ne perçoivent pas toujours les deux en même temps.

« Vide et plénitude » participent du même fonctionnement et sont ainsi fait qu’ils coexistent eux aussi en permanence. Le vide contient la matière et la matière est composée en grande partie de vide. Les personnes qui dans la Chine ancienne ont élaboré ce principe étaient sûrement de grands observateurs et sûrement aussi de grands pratiquants. Ils ont en effet construits et développé les pratiques corporelles : Qi Gong, Tai Ji Quan, Kun Fu … Entre autre sur l’observation et l’application de ce principe de base qui est un des grands principes de la vie.

En effet, si une chose reste toujours pleine ou si elle reste toujours vide, alors la vie se dérobe. Vous avez sûrement déjà essayé de garder vos poumons pleins ou vides ne serait ce que quelques instants ! On ne peut tenir bien longtemps ! Vous pouvez aussi essayer de garder vos 2 pieds fermement remplis sur le sol. Vous observez alors que vous ne pouvez plus bouger. Il faut aller vers « le vide » pour que la fluidité du mouvement puisse apparaître. Mais si vous videz complètement les 2 pieds, ils ne peuvent plus vous tenir non plus et vous tombez. Il faut aller vers « le plein » pour pouvoir trouver la tonicité du mouvement. Nous savons bien d’ailleurs que la marche consiste à vider un pied pendant que l’autre se remplit.

La vie est mouvement elle s’exprime en permanence par la coexistence  du vide et du plein comme par le passage de l’inspire à l’expire et de l’expire à l’inspire.

Les mouvements de Qi gong reproduisent en permanence ce principe vital. Un pied se vide pendant que l’autre se remplit, un bras se vide pendant que l’autre se remplit, l’axe se remplit pendant que la périphérie se vide, le haut se vide pendant que le bas se remplit.

De même dans une alternance yin yang entre les différentes directions, un mouvement vers le haut suit et précède un mouvement vers le bas, un mouvement vers l’avant suit et précède un mouvement vers l’arrière, et c’est la même chose avec les mouvements à droite et à gauche.

En associant à l’infini les différentes directions, les vides et les plénitudes, on obtient une infinité de mouvements tous basés sur cette coexistence du yin yang, tous s’inscrivant dans le mouvements de la vie et donc tous dans l’harmonie et l’équilibre qui soutiennent la santé.

Dans la pratique nous disposons de 2 outils majeurs pour exprimer cela. Ce sont d’ailleurs ceux que nous utilisons pour vivre et ce sont nos 2 exemples de tout à l’heure. D’une part, les rythmes, et en particulier celui de la respiration, de l’autre, l’appui des pieds sur le sol qui nous place sur un axe vertical et permet la mobilité.

Les mouvements de Qi Gong sont accompagnés, rythmés, par l’alternance du vide et du plein de la respiration, mais ils sont aussi impulsés par l’appui des pieds sur le sol. On dit dans la pratique que : le geste se déploie à partir du centre. C’est exact, mais que l’on soit debout ou assis, il est nécessaire que le centre s’appuie sur la terre pour pouvoir déployer ce geste, par l’intermédiaire des pieds si on est debout ou des ischions si on est assis. Si le centre n’a pas cet appui il ne peut agir.

Nous pouvons expérimenter cela avec un geste simple. Placez par exemple vos pieds parallèles et prenez l’énergie du ciel en laissant vos bras s’élever latéralement paumes vers le ciel. Faites ce geste sans utiliser le bas du corps, en laissant juste les bras s’élever depuis les épaules et les paumes aller contacter le ciel. Sentez, observez ce qui se passe.

Faites maintenant ce même geste en vous laissant préalablement descendre vers la terre jusqu’à ce que vos pieds établissent un contact si intime avec la terre qu’ils auront envie de prendre appui sur le sol pour vous repousser vers le haut. Laissez les faire et laissez cette poussée des pieds sur le sol élever vos bras latéralement et amener vos paumes de mains au contact de l’énergie du ciel.

Ce n’est plus un mouvement d’épaule que vous faites alors, et ce ne sont plus seulement les paumes qui vont contacter le ciel. C’est l’ensemble de votre personne qui, impulsée par la poussée des pieds sur la terre va contacter l’énergie du ciel. Peut être pouvez vous sentir simultanément le calme de l’esprit et la détente du haut du corps induits par la sensation de puissance du bas du corps.

Dans la deuxième partie de ce geste, quand vous accompagnez l’énergie du ciel jusqu’au Dan Tian inférieur, veillez de même à ce que la pression des pieds sur le sol se relâche progressivement, tout en gardant le lien de Bai Hui avec le ciel. Laissez l’ensemble de votre corps glisser le long de votre axe vers la terre en étant attentif à vider les plis de l’aine et les genoux pour que votre poids redescende jusque dans les pieds. C’est alors la descente de l’ensemble de votre corps vers le sol qui va conduire l’énergie du ciel vers le Dan Tian inférieur et non plus uniquement vos mains.

Et si vous accompagnez cela par la respiration et la pensée (Yi) la mise en circulation du Qi du ciel sera encore bien plus présente.

De la même façon, vous pouvez faire l’expérience d’utiliser la poussée d’un seul pied pour vous propulser vers l’avant ou vers l’arrière.

Placez vous en pas d’arc et gardez 100% de votre poids sur votre pied arrière. Laissez s’établir un contact intime entre votre pied arrière et le sol en vous laissant tranquillement descendre comme si vous étiez absorbé par l’énergie de la terre. Veillez encore une fois à bien laisser les plis de l’aine et les genoux se vider. Veillez aussi à garder vide la jambe avant. Puis comme dans l’exercice précédent,  quand votre pied arrière a établi un contact si intime avec l’énergie de la terre que le geste a envie de se transformer et que le yin appelle le yang, laissez votre pied vous pousser non plus vers le haut mais vers l’avant.

 

Allez doucement, prenez le temps de goûter le passage du vide au plein de votre jambe avant et simultanément le passage du plein au vide de votre jambe arrière. Goûtez la détente qui s’installe dans le haut du corps et la puissance stable du bas du corps et du bassin. Faites de même en laissant votre pied avant vous repousser vers l’arrière, paisiblement, tranquillement pour transformer à nouveau cette plénitude de la jambe avant en vide et retrouver simultanément la plénitude de la jambe arrière.

Toute notre pratique est ainsi construite dans une alternance simultanée de manifestations de plein, de vide, de yin, de yang. Le vide étant issu et contenu dans le plein et vice et versa.

Prenez le temps de laisser s’inscrire cela dans votre pratique, de le savourer comme peut être vous savourez le passage de l’aube ou du crépuscule dans leur beauté resplendissante. Le plaisir que l’on éprouve à pratiquer dans cette présence du passage de la transformation n’est pas moindre que celui que l’on éprouve devant la beauté de l’aube ou du couchant. Il demande juste que l’on s’y arrête un instant.

Dominique Banizette

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