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Le ressenti dans la pratique

Un des aphorismes du Lao Zi nous le dit assez clairement : « Celui qui parle ne sent pas, celui qui sent ne parle pas ». Également traduit par « celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas ».

Les deux traductions nous indiquent la même impossibilité d’être dans la sensation ou le ressenti quand la partie analytique du cerveau, en l’occurrence le fait de parler, est en action.

Dans la vision chinoise de la nature humaine, le ressenti est assujetti à la détente du corps et de l’esprit. Nous allons donc aborder dans un premier temps l’accès à la détente corporelle qui est directement liée à la détente de l’esprit. Nous aborderons ensuite le placement de l’esprit dans les ressentis pendant la pratique.

Pour accéder à la détente corporelle, il est nécessaire de mettre en œuvre deux processus.

– La recherche d’un placement du corps en harmonie avec la position debout de l’être humain, c’est à dire en considérant la structure verticale de l’humain. Ce qui implique une prise en compte du positionnement de l’ensemble du squelette et en particulier le positionnement du bassin et de la colonne. Mais également la tonicité particulière des différents groupes musculaires, la fluidité des fascias, l’élasticité des ligaments et des tendons …

– Mais, pour accéder à une détente profonde, cette compréhension générale, ce positionnement théorique de la corporalité humaine doit également être en accord, en harmonie, en agrément, avec la structure personnelle de chacun, afin de ne pas aller contre la façon dont chaque personne exprime le fait d’être vivant et en mouvement, sous peine de recréer des tensions.

Cette qualité de détente va grandement favoriser la détente du diaphragme et la tranquillité de la respiration elle même en lien avec la paix de l’esprit et l’apparition des ressentis dans la pratique. Si le corps n’est pas « dans sa place », des tensions apparaissent et les ressentis sont beaucoup moins forts, voir parfois, seulement induits par la pensée.

Cependant, nous avons une image corporelle de nous même bien inscrite dans la conscience, voir dans la partie non consciente de l’esprit. Pour que le placement corporel se modifie, il va donc être nécessaire de passer d’abord par la prise de conscience, la compréhension et l’analyse de ses placements personnels et de ses façons de produire un geste. C’est à dire par une conscientisation et un ajustement depuis l’extérieur. Dans ce moment là il est possible, voir judicieux, d’utiliser un miroir ou de se filmer. Cela facilite les prises de conscience.

Mais, pour que cet ajustement corporel perdure et s’installe pleinement dans le temps, vient ensuite, ou plus souvent conjointement, la nécessité d’avoir la sensation de son placement depuis l’intérieur, afin que ce nouvel ajustement puisse s’inscrire dans le schéma corporel à la place de la sensation précédente.

C’est le passage à la proprioception. C’est à dire la capacité que l’on a de percevoir de l’intérieur la position des différentes parties de notre corps, sans le recours à la vision. Ce sens dans la pensée chinoise est lié au sens du toucher, au Cœur, au sang et à la modalité feu. Il peut être vécu de façon spontanée ou inconsciente, c’est le cas de la plupart des mouvements que nous faisons dans notre vie quotidienne. Dans la pratique du Qi Gong nous préférerons sa forme consciente qui nous permet d’avoir une sensation claire et précise de notre position corporelle dans l’espace.

Cependant, une fois que le corps est « dans sa place » et que la structure est fluide, la problématique va être de ne pas « penser » les ressentis qui apparaissent dans la pratique, mais de rester dans les sensations corporelles sans passer à l’analyse. Autrement dit rester dans la proprioception, le toucher intérieur.

Or très souvent, même si on n’induit pas un ressenti par la pensée, une fois qu’il apparaît, au lieu de rester simplement dans ce ressenti, on le pense, on le nomme, du coup on le juge, on l’analyse, on le justifie, … On le passe au filtre de l’analyse du mental et ce faisant, même si on croit rester dans le domaine du ressenti, en réalité on quitte ce domaine pour entrer dans un autre domaine de l’esprit : le domaine de la pensée et de son expression.

Dominique Banizette et Zef Bourdet
Chabottonnes le 1er Juin 2024

Relation entre YI, le propos et ZHI, la puissance réalisatrice.

 

par Dominique Banizette

 

La vie est mouvement. Nous pouvons l’observer à toutes les échelles de la vie. De la plus lointaine galaxie à la plus petite particule de lumière.

La vie est transformation. C’est aussi ce que nous pouvons observer à chaque instant. Rien ne perdure, tout change tout le temps, parfois pour notre plus grand bonheur, d’autres fois pour notre plus grand désarroi.

La vie, celle des humains en tous cas, car je ne m’aventurerai pas ici à projeter mon propos au delà du champ de l’humanité, la vie donc que nous développons, est aussi desseins, propos, intentionnalité, toutes expressions issues de la pensée ou de l’esprit, nommées Yi en chinois.

En accord avec, en rejet contre ou en questionnement sur … l’ensemble de nos actes sont précédés et sous tendus par les réflexions et les choix qui engendrent nos intentions, nos intérêts, nos rêves … pensées particulières qui façonnent notre vie.

C’est de cette catégorie de pensées, très constructives quand elles sont en lien avec Zhi, la puissance réalisatrice des Reins, que je me propose de vous entretenir un court instant dans ce petit texte.

La pensée qui précède donc, celle qui impulse l’action, mais aussi celle qui grâce à Zhi, soutient le propos dans le temps et va l’amener à réalisation. Ce type de pensée appelée Yi-Zhi dans la pensée chinoise est aussi fondamental dans la pratique que dans la vie.

Commençons par nous intéresser à Zhi, la puissance réalisatrice, la détermination.

Selon le dictionnaire Ricci : Zhi est la volonté profonde, la détermination, l’aspiration, la résolution, la capacité réalisatrice, le fait d’être tendu vers un but.

Pour le Su Wen                      C’est le propos qui se développe en intention

Pour la MTC               Zhi est hébergé aux Reins. C’est le Ben Shen (racines de Shen, l’esprit) des Reins. C’est la puissance spirituelle propre à la fonction Reins, liée à la modalité Eau.

Selon le dictionnaire occidental*,

La volonté est une disposition mentale, une faculté à se déterminer librement à agir ou à s’abstenir, de façon conforme à une intention.
La détermination, attitude de celui qui agit sans hésitation et dans la durée.
L’aspiration, action de porter ses souhaits vers une réalisation.
La résolution décision volontaire fermement arrêtée avec intention de s’y tenir.

Zhi nous engage donc dans le mouvement même de la réalisation de nos motivations, de nos projets. Il permet la constance, la persévérance, la détermination dans la poursuite d’un objectif. Il est puissance réalisatrice. Il est intentionnel et engage le temps.

Cette détermination ne doit cependant pas être confondue avec le vouloir ou la velléité.

Selon le dictionnaire occidental*, la velléité, est un désir, une envie faible, une tendance mal affirmée, un souhait qui n’aboutit pas à une décision. C’est un mouvement spontané de l’organisme, une disposition temporaire physiologique ou psychique suscité par une idée, l’imaginaire, la mémoire, les besoins ….

On voit donc que le vouloir ou velléité n’est pas lié à l’intention et ne s’appuie pas sur la puissance réalisatrice des Reins. Il n’a pas d’engagement dans le temps, mais a seulement des vues à court terme et cherche la satisfaction immédiate : désir, envie, souhait …

Zhi, la puissance réalisatrice des Reins, est plus condensée, concentré, déterminée que la velléité, qui est plus légère, plus passagère.

On peut noter cependant que cette puissance seule ne suffit pas, car elle ne contient pas d’intention 

en elle-même ! Zhi, Ben Shen des Reins est une énergie constante, disponible, qui donne la possibilité d’agir et de mener à bien des propositions. Mais c’est une énergie non différenciée, inactive par elle-même. Il lui faut l’apport d’une direction pour pouvoir s’activer. C’est là l’apport de Yi, le propos.

Zhi, la puissance des Reins, est la base réalisatrice sur laquelle va pouvoir s’appuyer Yi, le propos pour mener à bien son objectif.

 

L’orientation du mouvement, le domaine de Yi.

Yi, l’intention, le propos est directionnel. C’est le petit mouvement de l’esprit qui va imprimer un sens, une direction à un objectif.

 

Selon le dictionnaire Ricci :
Yi est une intention, un dessein, un propos, une idée, une pensée, un intérêt, un sentiment personnel.

En philosophie chinoise     C’est le plus léger des mouvements de l’esprit dans l’éveil d’un intérêt ou dans la cessation de cet intérêt. C’est une préconception, l’ébauche d’une pensée. C’est la première image qui se présente à l’esprit.

C’est aussi le sentiment personnel, l’intention, que celui qui parle, pense et agit, met dans ce qu’il exprime.

En MTC                             Yi est hébergé à la Rate, c’est le Ben Shen de la Rate. La puissance spirituelle propre à la fonction Rate, lié à la modalité Terre

En alchimie Taoïste           C’est l’idée directrice.

Selon le dictionnaire occidental*,

Une intention : c’est l’action de la volonté par laquelle on se propose de diriger l’activité vers l’objectif à réaliser.

Un dessein : idée que l’on forme d’exécuter quelque chose, intention, projet.
Un propos : ce qu’on se fixe pour but.
Une idée : représentation élaborée par la pensée. Manière de concevoir une action ou de se représenter une réalité.
Une pensée : c’est une idée, une représentation, une image, une réflexion produite dans la conscience par la faculté de réfléchir.
Un intérêt : état d’esprit qui prend part à ce qu’il trouve digne d’attention. Attention que l’on porte à quelque chose.

Rencontre entre la Terre et l’Eau, Yi Zhi

 

Comme on le voit, Yi est un mouvement de l’esprit, on peut même dire un mouvement du Cœur-Esprit (voir le paragraphe suivant), porteur d’énergie, d’intention. C’est une pensée dynamique à l’origine de la conscience de l’acte, de la construction de l’acte et l’accompagnant dans sa réalisation.

Yi est une proposition de mise en mouvement. Et, bien que de nature précise, il est du domaine de la légèreté, de la vibration, de la matière subtile de l’esprit.

Pour que cette proposition perdure et que l’intention de départ, le « léger mouvement de l’esprit », arrive à se concrétiser, la présence de Zhi, la puissance énergétique et réalisatrice des Reins va être nécessaire. C’est l’association de Yi et de Zhi qui porte le propos à réalisation. C’est cette qualité d’intention qui accompagne l’action que l’on appelle Yi Zhi et qui s’avère tellement précieuse et réalisatrice tant dans la vie que dans la pratique.

Yi Zhi est l’intention précise, stable, permanente mais claire et légère, sans aucune lourdeur, qui se met en place, lors de la rencontre féconde entre la Terre et l’Eau. Entre l’énergie de la Rate mobile, dynamique, harmonisante, légère, créatrice et celle des Reins stable, solide, ferme, constante. C’est la puissance de rassemblement, d’harmonisation et de diffusion des idées, des pensées, de la mémoire.

Nécessité de la paix du Cœur, Xin et de l’esprit, Shen

 

Cependant, pour que Yi et Yi Zhi puissent s’exprimer, il va également falloir compter avec l’acceptation paisible et confiante du Cœur. Car Yi, le Ben Shen de la Rate est une des 5 racines de Shen. Et Shen, l’esprit, principe organisateur a sa résidence au Cœur.

Yi ne pourra donc trouver sa libre expression, si le Cœur, résidence de Shen, n’est pas apaisé.

Or le Cœur ne peut être paisible et serein, si les émotions ne sont pas régulées et si Xin, la pensée du Cœur liée aux émotions, n’est pas tranquille.

Une vibration, une intention, un léger mouvement de l’esprit s’offre au Cœur.

Celui ci peut l’accepter ou la refuser.

S’il refuse, la vibration disparaît.
S’il la reconnaît et l’accepte, une pensée, une image, une représentation, un propos, Yi, se forme en lien avec la Rate.
Que Zhi la volonté liée aux Reins intervienne et le propos sera fermement établi. Il perdure et devient une intention stable : Yi Zhi

Quand Yi Zhi, une intention stable, persiste en accord avec le Cœur et les Reins, elle se développe avec la puissance et la persévérance ferme mais douce de la plante quand elle s’élève de la Terre vers le Ciel.

 

Dans la pratique en mouvement : préexistence de Yi, concomitance de Yi Zhi.

 

Reste à savoir pour nous pratiquants comment et à quel moment Yi et Yi Zhi vont s’exprimer dans la pratique.

Pour un pratiquant débutant, Yi, l’intention, le propos, est une idée assez vague. L’attention, l’intention, le propos, la puissance réalisatrice, … ne sont pas des positionnements de l’esprit volontiers développés dans nos sociétés. Nous sommes plutôt dans la performance, la réussite, la concentration … Et mise à part l’injonction souvent répétée aux enfants « fait attention il va t’arriver ceci ou cela ! », nous ne les éveillons que très peu à cette belle capacité que nous avons en nous de développer une attention sereine et ouverte à tout ce qui est, une présence globale à notre environnement, tant intérieur qu’extérieur et une conscience fine des évènements petits ou grands qui se produisent à chaque instants. Comme par exemple, la caresse d’un léger souffle de vent, le chant d’un oiseau qui nous parvient, une sensation qui se manifeste, un nuage qui passe, une pensée qui se lève et s’en va, une image ou une intuition qui nous arrive, … ou encore une personne qui arrive et les sensations que ça nous procure, l’écoute de l’autre, l’intérêt qu’on lui porte ou l’attention qu’on porte à ses propos, …

 

Alors, malgré l’émerveillement que les élèves débutants manifestent devant la beauté et l’harmonie de la pratique, l’enthousiasme qu’ils ressentent de pouvoir produire eux-mêmes des gestes si beaux et l’étonnement qu’ils ont devant la rapidité d’apparition des sensations et des ressentis, ils sont très vite rattrapés par leurs habitudes de fonctionnement. Très vite ils se retrouvent tout entier centrés sur eux même et « concentrés » sur la réalisation du geste « bien fait ».

Pour ma part, après trente années d’enseignement, je constate que c’est très bien ainsi. Car j’ai pu observer que cette attention-concentrée des élèves débutants, évite à leur esprit de vagabonder. Cette attention là qui est aussi du domaine de Shen, l’esprit, commence à forger en eux la capacité à être complètement présent à l’instant, complètement présents à ce qu’ils sont en train de faire. C’est-à-dire un geste, que l’on répète et que l’on répète encore … Ainsi, Tranquillement et sans y mettre trop d’attention, l’esprit et le cœur s’apaisent.

 

A force de répétition, un jour le geste est connu, tellement connu qu’il se fait presque tout seul, facilement, légèrement et si détendu que l’esprit se trouve disponible pour d’autres choses. L’esprit du pratiquant va alors relâcher « sa concentration », relâcher l’idée du « bien faire », s’ouvrir et prendre conscience de tous les évènements, toutes les sensations, intérieures et extérieures qui ont lieu conjointement au geste pendant la pratique. Tout ce qui vit en nous et en dehors de nous pendant que le geste se déroule, se déploie et revient, à chaque fois différent comme si chaque fois était la première fois.

A l’intérieur, la respiration s’opère aisément, le diaphragme monte et descend librement, l’air rentre et sort sans contraintes. Les ligaments et les tendons ont retrouvés leur élasticité, les muscles et les articulations se sont relâchés, le corps bouge facilement et harmonieusement. Le sang et les liquides circulent de façon fluide, le Qi également, les organes sont bien irrigués et fonctionnent au mieux de leurs possibilités.

A l’extérieur toute la vie est là, présente, à la fois tout près de nous et très loin, et on se sent en relation intime avec cette vie là. Les cinq sens, ouverts mais paisibles, nous renseignent sur l’environnement proche sans que cela ne vienne perturber la pratique. Au contraire ces informations viennent très simplement enrichir les sensations. Et étonnamment la présence, la conscience de l’environnement lointain est là également. On ne se sent plus séparé mais au contraire inscrit dans notre espace de vie que l’on peut percevoir comme très vaste.

Les souffles et les esprits circulent librement à l’intérieur de nous et entre l’intérieur et l’extérieur. L’attention, la présence, Shen s’est ouverte. La pratique a commencé son œuvre.

 

Nous avons vu que la capacité d’attention-concentrée que les élèves ont développée pour l’apprentissage de la gestuelle et du placement de la structure, a permis d’apaiser le cœur et l’esprit et d’amener les premières sensations. Maintenant que la concentration se relâche et que l’attention s’ouvre, à l’intérieur comme à l’extérieur de nous, qu’elle se déploie, vaste et sereine, elle va pouvoir jouer son rôle de point d’appui à l’expression de Yi.

Comme précisé au paragraphe « Nécessité de la paix du cœur et de l’esprit », cette capacité de présence, d’attention est une des expressions de Shen. Yi, la pensée qui induit le geste et l’intention, et Yi Zhi, la pensée qui accompagne le geste et l’énergie, ont besoin de cette qualité de présence de l’esprit pour pouvoir s’exprimer. Le pratiquant devra d’ailleurs veiller à l’entretenir, tant dans la pratique que dans la vie, car les émotions qui sont partie intégrante de la vie ont la capacité à déstabiliser facilement le cœur.

 

Ainsi, Yi prenant appui sur cette qualité d’attention et bénéficiant de la détente du corps et de la tranquillité du cœur et de l’esprit qui se sont établis durant les années de pratique, va pouvoir exprimer sereinement une intention et Yi Zhi l’accompagner vers sa réalisation.

La pratique va alors s’enrichir de toutes les possibilités créatrices que nous offre l’esprit. La pensée chinoise ne nous dit-elle pas « là ou va la pensée va l’énergie ». En émettant, par exemple, l’intention de laisser sortir des toxines par les Yong Quan ou par le souffle, nous allons avoir une action réelle sur la mise en mouvement du Qi à l’intérieur de nous. Et l’action sera tout aussi réelle si le propos est de conduire l’énergie à un endroit particulier du corps ou le long d’un méridien spécifique ou encore si on propose à notre diaphragme un placement particulier de la respiration ou à notre esprit de se poser sur un point précis du corps ou sur un organe particulier ou au niveau d’un des Dan Tian …

Mais Yi et Yi Zhi peuvent également nous permettre de contacter et de recueillir les énergies de la nature, du Ciel, de la Terre, des arbres, de l’univers et de les incorporer, afin de renforcer le Qi interne.

 

La pensée est légère mais puissante.

 

Quelques années plus tard pour le pratiquant avancé, dans l’espace vide des transformations, juste avant que le mouvement ne se déploie ou revienne, le Dan Tian inférieur, la respiration et Yi, se manifestent. Dans cet espace-temps infinitésimal de la transformation, alors que le geste et la respiration sont encore suspendus, Yi, « léger mouvement de l’esprit », trace le geste, il donne sens et direction au geste en relation avec le centre-Reins et la respiration. Le geste n’est pas encore fait mais il est déjà existant puisque déjà tracé. On dit à ce propos que «Yi est premier ».

Puis, quand l’énergie se manifeste au Dan Tian inférieur, le mouvement comme libéré par le centre-Reins, peut se déployer ou revenir librement. Il suit l’impulsion, la trace, la proposition induite par Yi, tout en conservant bien sur la capacité de s’ajuster à chaque instant.

Yi Zhi chemine alors calmement à l’intérieur du geste qu’il a lui-même induit et « il conduit le Qi », délicatement, sans tensions, sans vouloir, avec la légèreté, la clarté et la précision du rêve. Comme un regard, une trace de lumière, une invitation qui permet à quelque chose qui n’était pas localisé auparavant de se manifester.

 

 

Dominique Banizette

Joannas le 22 Octobre 2021

 

 

* petit Robert et petit Larousse.

Les 6 sons thérapeuthiques

1er lotus aout 2015-012Liu Zi Jue,   « les 6 expressions subtiles »

 

Ce que l’on traduit souvent en français par « 6 sons thérapeutiques » peut également se traduire par «  les 6 expressions subtiles », dans un mot à mot qui nous rapproche d’avantage des images générées par les idéogrammes.
Cette série particulière de Qi Gong s’appuie sur l’émission de sons en rapport avec les 5 modalités.
La vie est vibrations et nous faisons partie intégrante de cette vie. Nous sommes donc nous même vibrations. Il semble que lorsqu’un son, c’est-à-dire une vibration, est émis et qu’il est accordé à la vibration originelle d’une de nos fonction organique, cela permet à l’organe de se recaler sur sa vibration propre. Ce son peut être émis de l’intérieur ou de l’extérieur.
Dans la série des 6 expressions subtiles nous émettons nous même les sons, un pour chaque organe. L’effet thérapeutique est puissant et souvent immédiat, comme si cette vibration émise réveillait une mémoire à l’intérieur du corps permettant à l’organe de retrouver sa musique personnelle.

le jeu des 5 animaux

qi gong l'école du qi singe“Wu Qing Xi”

Qi Gong de santé, très populaire en Chine, basé sur l’imitation d’animaux : le tigre, l’ours, le cerf, le singe et la grue.

Le jeu des 5 animaux est une technique de longévité qui imite les mouvements de cinq animaux sauvages.
Il préconise l’utilisation de la pensée pour augmenter l’effet des exercices et améliorer la circulation du Qi. Il régule le corps, la respiration et l’esprit.

C’est un des Qi Gong les plus anciens. Il fut composé par un médecin Hua Tuo, il y a environ 1800 ans, sous la dynastie des Hans postérieurs ( 25 ap JC – 220 ap JC).

Hua Tuo (142-219) fut un médecin de renom, dont la célébrité s’est prolongée jusqu’à aujourd’hui. Chirurgien, gynécologue, pédiatre, il utilisait tout autant l’acupuncture que la pharmacopée ou les moxas.  Il passe pour être le créateur du premier anesthésique. Hélas ! Il n’a laissé aucun écrit.

Nous disposons cependant de quelques descriptions de la pratique « du jeu des 5 animaux» de Hua Tuo. Ces textes, dont les plus anciens sont presque contemporains de Hua Tuo, décrivent
“le jeu des 5 animaux” comme une pratique de santé et nous donne une biographie de Hua Tuo, mais sans illustrations.
Jusqu’à récemment les plus anciens dessins du jeu des 5 animaux dont nous disposions dataient de la Dynastie des Ming (1368 – 1644). Ils sont reproduits dans un livre : « la moelle du phénix rouge » et représentent d’anciens immortels pratiquant cette série pour mieux vivre.
Mais en 1973, des dessins représentant la pratique du jeu des 5 animaux ont été trouvés dans la tombe de Ma Wang Dui, à Chang Sha, dans la province du Hunan. Cette tombe date de 190 à 168 avant JC. Ces dessins sont donc antérieurs à Hua Tuo.

Hua Tuo a en effet composé cette série, comme sont composées toutes les séries de Qi gong, en s’inspirant de documents et de pratiques déjà existantes :

  • L’art du Tu Na, la respiration
  • Le Dao Yin, art du mouvement
  • Les pratiques taoïstes déjà anciennes. Zhuang Zi, maître taoïste bien antérieur à Hua Tuo (IVème avant JC) parle déjà de la pratique des animaux en lien avec la respiration pour conserver ou améliorer sa santé.
  • Hua Tuo a également observé les animaux sauvages avec beaucoup de précision. Il était arrivé à la conclusion que les animaux pratiquent parfois certains exercices pour renforcer leur constitution ou réguler certains désordres internes.
  • Sans doute s’est-il également inspiré de la méthode de combat des 5 animaux (Wu Qin Quan) ou de danses rituelles chamaniques.
  • Enfin, il y a associé sa connaissance précise de la médecine traditionnelle chinoise, en particulier la théorie des fonctions des organes internes, des méridiens et de la circulation du Qi, des liquides et du sang.

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Depuis sa création, le jeu des 5 animaux a donné naissance à de nombreux styles allant de formes externes très dynamiques, gymniques, voire martiales, à des formes internes qui s’appuient principalement sur le Souffle, l’Energie. Les formes qui insistent sur la santé appartiennent à la lignée des Qi Gong Yang Sheng : nourrir la vie.
Elles permettent à la fois la régulation de la forme corporelle, de la respiration, de la pensée émotionnelle, mais aussi du Souffle-énergie, le Qi
et du Yi, l’Intention.

Selon Hua Tuo, la pratique du jeu des 5 animaux est une pratique très complète.

  • Elle améliore la santé du corps et de l’esprit,
  • prévient et traite les maladies,
  • améliore également les maladies chroniques et traite le fond de la personne,
  • augmente la longévité, la confiance en soi et la vitalité de l’esprit,
  • renforce la constitution et la force physique,
  • renforce les articulations, les muscles, les tendons et les os,
  • assouplit les ligaments et les muscles,
  • amène la vigueur dans les membres,
  • améliore les fonctions des organes, la digestion, les inflammations de l’estomac et du foie,
  • améliore le système respiratoire.
  • Elle agit également et principalement sur l’hypertension et la fonction cardio-vasculaire,
  • augmente la quantité de Qi, de sang et de liquides en circulation,
  • améliore la circulation du Qi, des liquides et du sang, en particulier aux extrémités,
  • renforce et mobilise l’énergie le long des canaux principaux et collatéraux,
    dissout les stagnations,
  • traite la faiblesse nerveuse, améliore l’attitude mentale et augmente les perceptions.

le Yang Sheng Ba Shi par Evelyne Castellino, chorégraphe

Ci-dessous un texte de commentaire d’Evelyne Castellino sur la pratique du Yang Sheng Ba Shi  en réponse à une question de Dominique Banizette sur les intérêts de ce Qi Gong pour un public de danseurs et de sportifs. Evelyne Castellino est evelyne castellino compagnie acryliquechorégraphe et metteur en scène à Genève et fait pratiquer régulièrement cette série à ses comédiens et danseurs.

 

« Alors comment expliquer cela.
Le public de comédiens (c’est celui avec qui je travaille le plus) a besoin d’un entraînement régulier, mais c’est un public qui a tendance à se dire, sautons l’échauffement ou l’entraînement car il vaut mieux avoir plus de temps pour la répétition.
Lorsqu’on donne l’habitude (disons peut-être lorsqu’on impose un  entraînement) la plupart des comédiens s’en trouvent mieux. Mieux dans leur corps et aussi mieux dans la concentration.
Ils aiment le Yang Sheng Ba Shi, car c’est une série assez physique, donc ils ont l’impression de s’assouplir, d’entretenir leur corps, mais après quelques semaines, le besoin de commencer l’entraînement par le Qi Gong se fait sentir. Parfois on commence et certains parlent et racontent un truc. Je laisse faire, car je sais que petit à petit le silence va arriver, le calme et la concentration.
Cette série travaille autant sur le haut du corps que sur le bas. Elle donne de la force dans les jambes. Et puis il y a les derniers mouvements (Gemou et le nuage) Et ces deux derniers mouvements les centrent et les apaisent.
Le comédien est un être souvent angoissé et la paix qu’ils ressentent à la fin de la série est je pense une des raisons pour laquelle le Yang Sheng Ba Shi leur plaît. Plusieurs me disent qu’ils continuent à pratiquer, une fois qu’on s’est quitté, et que ça les remplit d’énergie.
Je joins au Qi Gong un entraînement Pilates qui leur renforce la musculature interne et étire la musculature externe.
Donc souvent ils maigrissent, le comédien est un être qui a besoin de plaire et de se plaire, donc….
Et puis le Yang Sheng Ba Shi a 8 mouvements, donc c’est aussi plus simple à apprendre pendant le laps de temps des répétitions (6 semaines, cela permet l’apprentissage et l’approfondissement.

Donc ceci pour les comédiens qui n’ont pas un entraînement régulier physique.

Pour les danseurs et les sportifs, c’est une autre histoire, car eux s’entraînent régulièrement, donc je pense qu’ils aiment le Yang Sheng Ba Shi car ce sont des mouvements dont ils n’ont pas l’habitude. Dans un premier temps, ils sont curieux de voir ce que cela va leur faire.
Puis, ils sont étonnés que des mouvements doux et assez simples agissent, cela efface des tensions que les danseurs et les sportifs ont presque tous sans exception.
Dans un troisième temps, comme pour les comédiens, la série les apaise, et leur faire prendre de la distance avec la performance qu’ils doivent accomplir. Cela peut même les aider à aborder « autrement » leur art ou leur sport, à mettre leur attention ailleurs, là où c’était des parties du corps oubliées.
Et cela reste physique, cela demande aussi un effort et le danseur comme le sportif est un dingue de l’effort. »

Evelyne Castellino le 2 mars 2014

Vous pouvez aussi lire l’article de Dominique Banizette sur « la genèse du Yang Sheng Ba Shi »

le Xi Sui Jing

qi gong le xui sui jingLe Xi Sui Jing et le nourrissement des moelles :

Le Xi Sui Jing a été créé par Boddidarma, moine indien venu en Chine au 5ème siècle après JC. Il s’est installé au monastère de Shaolin dans les monts Song Shan. Cette pratique utilise la visualisation sur la lumière. Elle permet d’éliminer les maladies en renforçant le système immunitaire. Elle améliore le fonctionnement hormonal, renforce la circulation de l’énergie dans les méridiens principaux et extraordinaires. Elle tonifie l’énergie des reins et renforce Jing, fortifie les os, purifie et nettoie les moelles. Elle permet également d’éliminer les 7 émotions conflictuelles, de nourrir l’esprit et d’affiner la qualité spirituelle par le Yang du Ciel grâce à la conscience : Shen

Ce Qi Gong se pratique en présence de Shen Gong, le travail de l’esprit. Visualiser et ressentir, visualiser sans attachement, être dans l’attention ouverte, ressentir sans s’impliquer. On absorbe la lumière et on accumule le Qi, puis on laisse cette lumière remplir les moelles. Le travail sur les moelles fait partie du travail d’alchimie interne des taoïstes. Les os deviennent forts, le corps s’allège, l’énergie vitale devient pure, fraîche et claire, les toxines sont éliminées, la circulation de l’énergie et du sang est améliorée. Shen s’éclaire.

Les 3 régulations de base, descriptif des premières étapes dans l’apprentissage du Qi Gong

qi gong l'école du qi serie 2-1

 

Régulation de Xing : la forme corporelle

L’objectif est la prise de conscience et le repositionnement, si c’est nécessaire, de la structure corporelle, afin de

  • Favoriser la circulation de l’énergie en affinant la perception du vide et du plein.
  • Développer la sensation de centre.
  • Sentir les zones de blocages ou de mobilité du corps.
  • Favoriser l’enracinement, c’est à dire le placement des pieds sur le sol et du poids sur les pieds, le placement et mobilisation des genoux, des plis de l’aine, du bassin. Ce qui va influencer l’équilibre et la sensation de stabilité de tout le corps.
  • Favoriser le placement de l’axe, du dos, de la tête et la détente de la ceinture scapulaire.
  • Permettre la prise de conscience de la sensation d’unité entre la Terre et le Ciel …

Ceci à l’aide

  • d’exercices préparatoires
  • d’exercices pédagogiques
  • de l’apprentissage de séries de Qi Gong des plus simples aux plus complexes
  • d’un travail  postural de difficulté croissante.

Régulation de Xin : la pensée émotionnelle 

L’objectif est d’apaiser les pensées et d’obtenir le calme de l’esprit et du cœur par

  • le développement de Yi, l’intention, le propos.
  • le placement de l’attention.
  • le renforcement du centre et des racines terrestres.
  • le déblocage du diaphragme.
  • la mobilisation et détente de la poitrine et de la ceinture scapulaire.

Ceci à l’aide   

  • Du placement des points de concentration et des visualisations pendant la pratique en mouvement
  • De la pratique de la méditation en silence de plus en plus calmement
  • De la pratique des postures de plus en plus agréablement et longuement
  • D’exercices de déblocages du diaphragme
  • D’un travail spécifique sur la ceinture scapulaire
  • De la pratique de visualisation, assis, debout ou allongé pour renforcer le Yi

Régulation de Xi : la respiration

L’objectif est de redonner au système respiratoire toute ses capacités et toutes ses possibilités afin de

  • Prendre conscience de sa respiration et observer ce que cela engage dans notre corps.
  • Guider la respiration pour qu’elle devienne abdominale : naturelle ou inversée.
  • Pouvoir ajuster le geste et la respiration.
  • Apaiser le cœur et l’esprit.
  • Nourrir l’énergie, le sang et les organes.

Ceci à l’aide

  • D’exercices de déblocage du diaphragme
  • D’un travail spécifique sur la respiration
  • De l’apprentissage de différents  types de respirations : bouddhiste, taoïste, …
  • De la pratique dans la fluidité et la détente
  • De la pratique de l’assise en silence de plus en plus calmement et longuement.

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Genèse du Yang Sheng Ba Shi par Dominique Banizette

Je sais intimement, pour l’avoir vécu moi-même et le vivre encore, et pour le voir depuis de nombreuses années chez mes élèves, que la pratique des arts internes chinois amène un remodelage profond de la structure corporelle et du fonctionnement global de la personne. Ceci, grâce à : une répartition judicieuse de la tonicité musculaire, une liberté retrouvée de la fluidité articulaire, un apaisement et une clarification de l’esprit, une sérénité émotionnelle bien établie, une libération des entraves à la fonction respiratoire et une augmentation du niveau énergétique de la personne.

decamille_0456-2En 2009/2010 j’ai eu l’occasion, par l’intermédiaire de stages organisés pour ses enseignants par la FEQGAE (fédération de Qi Gong, art énergétique), de travailler avec Benoît Lesage sur le thème « un corps conscient, un corps à construire ». Dans ces stages ont été abordées de nombreuses techniques allant de l’eutonie gestuelle de Gerda Alexander, au Feldenkrais, en passant par une approche des chaînes musculaires de Godelieve Struyf Denys. Durant ces stages, Benoît Lesage nous a fait pratiquer couchés, assis ou debout, de très nombreux exercices issus de ces différentes techniques afin de conscientiser les tensions corporelles et de réharmoniser l’ensemble de la structure corporelle.

Or, plus j’avançais dans la compréhension de ces techniques et en particulier dans la compréhension des chaînes musculaires, plus j’étais étonnée de voir à quel point les exercices mis en place par ces différents thérapeutes pour rééquilibrer la structure corporelle étaient proches, voir conformes, aux mouvements pratiqués dans les différentes séries de Qi Gong que je pratique depuis de nombreuses années. J’étais émerveillée par l’éclairage qu’apportaient des techniques occidentales performantes mais récentes, aux pratiques chinoises, et je réalisais pleinement combien cette pratique pluri millénaire est intelligemment construite pour réharmoniser, rééquilibrer et fluidifier la structure énergétique au travers de la structure corporelle.

Les chaînes musculaires correspondent à des tensions qui s’inscrivent dans la structure corporelle, et engagent un ensemble de muscles. Ces tensions se propagent sur une longue distance englobant la totalité de la personne. Souvent sans conséquences majeures elles peuvent parfois être très handicapantes. Ces mises en tension des chaînes musculaires entravent non seulement le fonctionnement harmonieux du corps mais induisent un comportement émotionnel et social particulier à chacune d’entre elles.

A la lecture de ces chaînes musculaires, une nouvelle grille de compréhension de ma pratique m’est apparue et, comme je le disais précédemment, j’ai eu une conviction intime que la pratique du Qi Gong, dans son approche corporelle et énergétique, était idéalement construite pour amener un  rééquilibrage des chaînes musculaires.

J’ai donc essayé d’en comprendre un peu plus sur ces fameuses « chaînes ». La lecture des livres de Godelieve Struyf Denys, Philippe Campignion et Léopold Busquet a confirmé mon ressenti premier. Ces livres m’ont également fait pressentir qu’un lien pouvait s’établir entre les chaînes musculaires et les merveilleux vaisseaux qui sont les méridiens qui établissent la structure énergétique dès les premiers jours de la conception et qui la maintiennent tout au long de la vie. Et que la mise en place de tensions dans une chaîne musculaire pouvait certainement avoir un impact sur la fonction du merveilleux vaisseau associé.

J’en étais là de mes réflexions, quand un jour d’Octobre 2010, alors que je pratiquais chez moi et pour moi le Tai Ji Qi Gong de Jiao Guo Rui qui est la série de référence de ma lignée   (le Qi Gong Yang Sheng), me sont revenus à l’esprit les exercices d’échauffement proprioceptifs pratiqués le matin avec Benoit Lesage et que je n’avais pas refaits depuis le dernier stage. Parmi les nombreux exercices proposés, il m’est apparu nettement que 8 de ces exercices pouvaient se rassembler en une série de Qi Gong susceptible à elle seule de rééquilibrer l’ensemble des chaînes musculaires et d’harmoniser le fonctionnement de l’ensemble des merveilleux vaisseaux.

Benoît Lesage consulté se révéla enthousiaste à l’idée que je réalise le projet de construire un Qi Gong à partir de ces exercices.

J’entrepris donc un processus de réflexion et de mise en forme de ces mouvements dans le sens de la pratique des Arts Internes, commençant ce que l’on peut appeler «la composition » d’une série de  Qi Gong, comme on compose un morceau de musique ou une peinture, à partir d’une intention, ou d’une intuition et en s’appuyant sur l’ensemble de ses connaissances et de ses ressentis.

Les 8 exercices s’étant imposés d’eux mêmes à mon esprit, je n’avais donc pas à les choisir mais plutôt à les ordonner et à les remodeler, pour certains très peu, pour d’autres beaucoup plus, afin de les rendre conformes à l’esprit et à l’intention de la pratique.

Puisque j’avais la conviction du lien existant entre les chaînes musculaires et les merveilleux vaisseaux, j’ai ensuite essayé de ressentir la circulation de l’énergie mise en place dans cette gestuelle destinée à harmoniser les chaînes musculaires et de voir quels étaient les merveilleux vaisseaux, les méridiens ou les organes concernés. Ce travail a effectivement confirmé mon ressenti du lien existant entre les chaînes musculaires et les merveilleux vaisseaux. Quelques modifications ont encore dues être apportées à ce stade pour harmoniser le geste avec la circulation de l’énergie dans ces méridiens de structure.

Puis j’ai cherché, le plus souvent encore par le ressenti, les points d’attention précis sur lesquels placer son esprit pour faciliter la mise en circulation de l’énergie dans tel ou tel méridien, dans tel ou tel organe ou dans telle partie du corps.

Et j’ai placé le mode et le rythme de la respiration afin d’obtenir l’efficacité la plus complète pour chaque geste.

Le moment était venu de nommer chacun de ces 8 mouvements. Je l’ai fait en utilisant la symbolique de la pensée chinoise, en fonction des effets respectifs de chaque geste, comme cela se fait dans les différentes séries existantes.

Enfin, j’ai réfléchi au nom que je pouvais donner à ce Qi Gong, afin que ce nom  en exprime le plus clairement possible, l’esprit et les effets.

Toujours enthousiaste à la lecture de cette réalisation, Benoît Lesage est venu par deux fois à Joannas, d’une part pour pratiquer cette série, d’autre part afin que nous finissions de l’affiner ensemble.

Quelques modifications ont alors été apportées. Entre autre, le nom que j’avais trouvé ne faisant pas l’unanimité, j’en ai cherché un autre, qui est celui en usage actuellement : le Yang Sheng Ba Shi : les 8 exercices pour nourrir la vie. Nom qui exprime effectivement très bien le contenu de cette pratique.

Un des gestes qui m’était venu à l’esprit au départ ne nous semblant finalement pas opportun, nous avons préféré le mettre dans les exercices de préparation ou il semble mieux à sa place et Benoît Lesage en a proposé un autre pour compléter la série. Il me semblait en effet opportun vu la symbolique du chiffre 8 dans la pensée chinoise et le lien entre cette pratique et les 8 merveilleux vaisseaux de garder un ensemble de 8 mouvements.

Comme toutes les séries de Qi Gong, cette série, fruit d’une collaboration entre Benoît Lesage et moi-même, va beaucoup plus loin que la seule réharmonisation de la structure corporelle. Elle  englobe le niveau énergétique et elle le fait à un niveau très profond puisqu’elle s’adresse principalement aux méridiens curieux qui sont comme on l’a vu précédemment les méridiens qui établissent et maintiennent la structure fondamentale de chaque personne durant toute sa vie. Elle s’adresse également  au cœur et à l’esprit qu’elle conduit : l’un vers la paix, l’autre vers la clarté.

Je voudrais ici remercier mon maître Minoru Hoshino qui m’a permis de découvrir ces magnifiques pratiques que sont le Qi Gong et le Tai Ji Quan et qui m’accompagne depuis 1986 dans cette voie. Sans son enseignement à la fois riche et profond mais aussi calme et joyeux, le Yang Sheng Ba shi n’aurait certainement pas existé.

Je remercie également Benoît Lesage pour son enseignement sur la conscience corporelle et sur les chaînes musculaires qui m’ont ouvert des horizons nouveaux. Je le remercie également pour avoir cru possible cette réalisation, ainsi que pour sa collaboration dans l’élaboration de ce Qi Gong.

Un grand merci également à tous les enseignants qui m’ont permis d’avancer dans cette voie et à mes élèves toujours enthousiastes, qui m’accompagnent depuis si longtemps dans mon cheminement et qui apprécient pleinement le Yang Sheng Ba Shi.

Enfin, merci à Zef, mon compagnon depuis bientôt 40 ans. Sans qui aucune de nos réalisations n’auraient pu voir le jour.

Je souhaite que cette série du Yang Sheng Ba Shi reste vivante et que comme toutes les séries de Qi Gong, elle continue à évoluer. Je souhaite également qu’elle réalise ses objectifs qui sont non seulement le rétablissement d’une bonne santé corporelle mais également l’ouverture du cœur et de l’esprit.

Et je suis convaincue que si sa composition a été opportune, le Yang Sheng Ba Shi aura une longue vie !

à Joannas, en janvier 2013
Dominique Banizette

Vous pouvez aussi lire les commentaires d’une chorégraphe sur cette série : « le Yang Sheng Ba Shi par Evelyne Castellino »

Vide-plénitude dans la pratique en mouvement


C’est une des bases du Qi Gong que chacun connaît mais ne maîtrise pas forcément. Dans un langage imagé, Dominique Banizette directrice de l’Ecole du Qi nous invite à une révision où chacun se sentira intimement concerné.

article paru dans le bulletin fédéral de la FEQGAE en janvier 2012

 

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Le vide et le plein, on pourrait dire le yin et le yang, je préfère d’ailleurs dire le « yin yang ». Le « et » de notre langue induisant une idée de côte à côte comme une chemise « et » un chapeau, alors que le « yin yang » est plutôt comme nos 2 pieds ou comme nos 2 luminaires (le soleil et la lune), l’un et l’autre toujours présents, cohabitent, coexistent, en permanence même si notre œil ou notre esprit ne perçoivent pas toujours les deux en même temps.

« Vide et plénitude » participent du même fonctionnement et sont ainsi fait qu’ils coexistent eux aussi en permanence. Le vide contient la matière et la matière est composée en grande partie de vide. Les personnes qui dans la Chine ancienne ont élaboré ce principe étaient sûrement de grands observateurs et sûrement aussi de grands pratiquants. Ils ont en effet construits et développé les pratiques corporelles : Qi Gong, Tai Ji Quan, Kun Fu … Entre autre sur l’observation et l’application de ce principe de base qui est un des grands principes de la vie.

En effet, si une chose reste toujours pleine ou si elle reste toujours vide, alors la vie se dérobe. Vous avez sûrement déjà essayé de garder vos poumons pleins ou vides ne serait ce que quelques instants ! On ne peut tenir bien longtemps ! Vous pouvez aussi essayer de garder vos 2 pieds fermement remplis sur le sol. Vous observez alors que vous ne pouvez plus bouger. Il faut aller vers « le vide » pour que la fluidité du mouvement puisse apparaître. Mais si vous videz complètement les 2 pieds, ils ne peuvent plus vous tenir non plus et vous tombez. Il faut aller vers « le plein » pour pouvoir trouver la tonicité du mouvement. Nous savons bien d’ailleurs que la marche consiste à vider un pied pendant que l’autre se remplit.

La vie est mouvement elle s’exprime en permanence par la coexistence  du vide et du plein comme par le passage de l’inspire à l’expire et de l’expire à l’inspire.

Les mouvements de Qi gong reproduisent en permanence ce principe vital. Un pied se vide pendant que l’autre se remplit, un bras se vide pendant que l’autre se remplit, l’axe se remplit pendant que la périphérie se vide, le haut se vide pendant que le bas se remplit.

De même dans une alternance yin yang entre les différentes directions, un mouvement vers le haut suit et précède un mouvement vers le bas, un mouvement vers l’avant suit et précède un mouvement vers l’arrière, et c’est la même chose avec les mouvements à droite et à gauche.

En associant à l’infini les différentes directions, les vides et les plénitudes, on obtient une infinité de mouvements tous basés sur cette coexistence du yin yang, tous s’inscrivant dans le mouvements de la vie et donc tous dans l’harmonie et l’équilibre qui soutiennent la santé.

Dans la pratique nous disposons de 2 outils majeurs pour exprimer cela. Ce sont d’ailleurs ceux que nous utilisons pour vivre et ce sont nos 2 exemples de tout à l’heure. D’une part, les rythmes, et en particulier celui de la respiration, de l’autre, l’appui des pieds sur le sol qui nous place sur un axe vertical et permet la mobilité.

Les mouvements de Qi Gong sont accompagnés, rythmés, par l’alternance du vide et du plein de la respiration, mais ils sont aussi impulsés par l’appui des pieds sur le sol. On dit dans la pratique que : le geste se déploie à partir du centre. C’est exact, mais que l’on soit debout ou assis, il est nécessaire que le centre s’appuie sur la terre pour pouvoir déployer ce geste, par l’intermédiaire des pieds si on est debout ou des ischions si on est assis. Si le centre n’a pas cet appui il ne peut agir.

Nous pouvons expérimenter cela avec un geste simple. Placez par exemple vos pieds parallèles et prenez l’énergie du ciel en laissant vos bras s’élever latéralement paumes vers le ciel. Faites ce geste sans utiliser le bas du corps, en laissant juste les bras s’élever depuis les épaules et les paumes aller contacter le ciel. Sentez, observez ce qui se passe.

Faites maintenant ce même geste en vous laissant préalablement descendre vers la terre jusqu’à ce que vos pieds établissent un contact si intime avec la terre qu’ils auront envie de prendre appui sur le sol pour vous repousser vers le haut. Laissez les faire et laissez cette poussée des pieds sur le sol élever vos bras latéralement et amener vos paumes de mains au contact de l’énergie du ciel.

Ce n’est plus un mouvement d’épaule que vous faites alors, et ce ne sont plus seulement les paumes qui vont contacter le ciel. C’est l’ensemble de votre personne qui, impulsée par la poussée des pieds sur la terre va contacter l’énergie du ciel. Peut être pouvez vous sentir simultanément le calme de l’esprit et la détente du haut du corps induits par la sensation de puissance du bas du corps.

Dans la deuxième partie de ce geste, quand vous accompagnez l’énergie du ciel jusqu’au Dan Tian inférieur, veillez de même à ce que la pression des pieds sur le sol se relâche progressivement, tout en gardant le lien de Bai Hui avec le ciel. Laissez l’ensemble de votre corps glisser le long de votre axe vers la terre en étant attentif à vider les plis de l’aine et les genoux pour que votre poids redescende jusque dans les pieds. C’est alors la descente de l’ensemble de votre corps vers le sol qui va conduire l’énergie du ciel vers le Dan Tian inférieur et non plus uniquement vos mains.

Et si vous accompagnez cela par la respiration et la pensée (Yi) la mise en circulation du Qi du ciel sera encore bien plus présente.

De la même façon, vous pouvez faire l’expérience d’utiliser la poussée d’un seul pied pour vous propulser vers l’avant ou vers l’arrière.

Placez vous en pas d’arc et gardez 100% de votre poids sur votre pied arrière. Laissez s’établir un contact intime entre votre pied arrière et le sol en vous laissant tranquillement descendre comme si vous étiez absorbé par l’énergie de la terre. Veillez encore une fois à bien laisser les plis de l’aine et les genoux se vider. Veillez aussi à garder vide la jambe avant. Puis comme dans l’exercice précédent,  quand votre pied arrière a établi un contact si intime avec l’énergie de la terre que le geste a envie de se transformer et que le yin appelle le yang, laissez votre pied vous pousser non plus vers le haut mais vers l’avant.

 

Allez doucement, prenez le temps de goûter le passage du vide au plein de votre jambe avant et simultanément le passage du plein au vide de votre jambe arrière. Goûtez la détente qui s’installe dans le haut du corps et la puissance stable du bas du corps et du bassin. Faites de même en laissant votre pied avant vous repousser vers l’arrière, paisiblement, tranquillement pour transformer à nouveau cette plénitude de la jambe avant en vide et retrouver simultanément la plénitude de la jambe arrière.

Toute notre pratique est ainsi construite dans une alternance simultanée de manifestations de plein, de vide, de yin, de yang. Le vide étant issu et contenu dans le plein et vice et versa.

Prenez le temps de laisser s’inscrire cela dans votre pratique, de le savourer comme peut être vous savourez le passage de l’aube ou du crépuscule dans leur beauté resplendissante. Le plaisir que l’on éprouve à pratiquer dans cette présence du passage de la transformation n’est pas moindre que celui que l’on éprouve devant la beauté de l’aube ou du couchant. Il demande juste que l’on s’y arrête un instant.

Dominique Banizette

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L’état de Qi Gong

Ce que l’on appelle l’état de Qi Gong se définit par un état de calme et d’ouverture tant intérieur, qu’extérieur, dans lequel, le corps est relâché mais tonique, l’esprit est au repos mais présent, les émotions sont apaisées, la respiration est calme et fluide.

 

Le Qi présent, dense, circule librement et remplit tout le corps. La conscience est en éveil, présente à toute chose, mais dans la sérénité du moment. La notion de temps s’efface pour laisser la place à l’instant.

Le mouvement, interne ou externe, peut alors se déployer librement, car c’est l’énergie interne en circulation qui produit le geste.

L’esprit est disponible pour ce qui est là. Le Yi peut alors conduire le Qi dans une intention précise, que le corps détendu et ouvert laisse circuler aisément.

 

En résumer on peut dire de « l’état de Qi Gong » : un corps et un esprit libres et ouverts à tous les possibles.

 

Pour parvenir à ce niveau de pratique, il n’y a qu’un secret : la pratique. Mais il y a en plus une nécessité, c’est que cette pratique qui est comme nous venons de le voir, loin d’être une simple gymnastique, soit conduite par un professeur compétant, ayant lui-même longuement expérimenté et longuement cheminé dans cet « état de Qi Gong ».

Si tel n’est pas le cas, le risque est de ne jamais contacter cette dimension énergétique de la pratique du Qi Gong et d’en rester à une gymnastique de santé. Ce qui n’est déjà pas si mal et qui peut aussi être un choix.

Plus grave, un autre risque est d’être mal conduit sur ce chemin énergétique et de se retrouver dans des chemins de traverses ou sur une voie de garage qui ne mènerons jamais à cette dimension interne de la pratique.

 
Joannas     Mai 2006
Dominique Banizette

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